Chers
Médecins,
Je
tenais à rédiger une lettre ouverte à votre attention.
Ceci
pour essayer d'éveiller les consciences et sensibiliser.
Mais
aussi pour moi-même.
Mettre
des mots sur ce que je ressens m'aidera peut-être à me libérer de
cette colère qui me ronge. Durant toutes ces années, j'ai nourri
une rage profonde insoupçonnée face à tant d'injustices. Autant
par mon vécu que par celui des autres femmes qui se confient à moi.
Des
femmes qui on vécu l'enfer.
Aujourd'hui,
j'aimerai que vous preniez le temps de lire mes mots. Je suis
consciente que votre temps est précieux. Mais s'il vous plaît,
faites-le pour nous, vos patient(e)s.
Tout
d'abord, j'aimerai vous poser quelques questions :
Pour
quelles raisons faites-vous ce métier ? Quelles sont vos
motivations profondes ?
Aimez-vous aujourd'hui réellement ce
que vous faites ? Ou êtes-vous à bout ?
Si
je vous demande ça c'est parce-que j'aimerai comprendre.
J'aimerai
comprendre pourquoi nous subissons tant de violences, autant
physiques que psychologiques ?
Comment
cela se fait-il qu'en tant que patient(e)s on se retrouve avec des
traumatismes lourds ? J'aimerai comprendre comment on peut en
arriver jusqu'à subir des syndromes post-traumatiques.
Ceci
en sachant que dans les faits, un médecin est censé être là avant
tout pour soulager ses patient(e)s.
Je
le répète, j'aimerai juste comprendre.
S'il
vous plaît, dites-moi pourquoi vous nous rabaissez plus bas que
terre ?
Pourquoi
vous nous regardez de haut en attendant que l'on baisse les yeux
devant vous ?
Quel bénéfice en retirez-vous ?
Pourquoi
avez-vous des paroles agressives suite à une simple interrogation ?
Pourquoi
vous mettez-vous à rire si on vous pose une question qui vous paraît
« idiote » ?
Pourquoi
est-ce que vous-vous braquez et « montez sur vos grands
chevaux » si on vous montre qu'on a des connaissances
médicales ? Ceci alors qu'on voulait juste connaître votre
opinion sur un sujet précis. Je ne comprends pas pourquoi le fait
d'avoir des connaissances vous rend « amer ».
De
plus, pourquoi vous permettez-vous de juger notre physique ?
(Trop maigre, trop gros(se), pas épilé(e), trop épilé(e),
tatoué(e), percé(e)...).
Pourquoi
agissez-vous comme si vous connaissiez notre corps par cœur, alors
que vous ne prenez même pas la peine d'apprendre à nous connaître ?
Notre corps nous appartient encore que je sache.
Par
ailleurs, vous n'êtes pas devin si ? Alors s'il vous plaît,
arrêtez de nous dire que vous savez parfaitement ce qui est bon pour
nous. Vous n'êtes pas dans notre corps. Si on vous certifie qu'on
tolère mal un traitement, ce n'est clairement pas pour vous « faire
chier ». C'est que c'est juste la vérité.
Pour
finir, j'aimerai savoir où est passé votre part d'humanité ?
Votre cœur ? Car nous sommes des êtres sensibles, dotés de
sentiments. Nous ne sommes pas des objets, des numéros ou juste
« des corps à examiner ». Nous ressentons la douleur.
Et
par pitié, demandez-nous la permission avant de pratiquer un examen.
Par
pitié, faites preuve d'un minimum de douceur et de bienveillance.
Par
pitié, arrêtez d'être si violents et brutaux.
Arrêtez
de violer notre intimité.
Arrêtez
de nous voler notre intégrité.
Arrêtez
de nous déposséder de notre corps et de notre âme.
On
demande seulement du respect, un minimum de considération et
d'empathie.
Mettez-vous
à notre place ne serait-ce que 30 secondes. Inversez les rôles.
Aimeriez-vous
subir ça ?
Je
vous rappelle que nous sommes des êtres vivants.
Le
pire c'est que je suis persuadée que vous ne vous en rendez même
pas compte.
Alors rappelez-vous que vous avez la capacité de nous
marquer à jamais, de nous détruire.
Vous
êtes responsables de votre comportement.
Est-ce
qu'on subit ça parce que vous êtes totalement « blasé(e)» ?
Ou est-ce que c'est parce-que vous êtes pressé(e) ? Vous avez
eu une mauvaise journée ? Ça arrive à tout le monde.
Mais
rappelez-vous malgré tout, que vous avez en charge des êtres
vivants et non des marchandises.
Nous
n'avons pas à subir ça, en aucun cas.
Rien
ne justifie la violence.
Et
surtout, nous avons le droit de dire NON.
Vous n'avez pas à décider
pour nous.
Malgré
toutes ces horreurs subies, je garde malgré tout espoir.
J'essaie
de me focaliser sur le positif, de garder en mémoire les bons
professionnels de santé.
Ceux
qui sont compétents tout en étant altruistes et bienveillants. Ceux
qui font preuve d'empathie. Ceux pour qui leur métier est une réelle
vocation. Ceux qui continuent à aimer leur métier malgré la
pression phénoménale qu'ils subissent chaque jour et le manque de
moyens. Ceci malgré des patient(e)s qui se sont montré(e)s
précédemment exécrables.
Je
garde en mémoire vos mots gentils et rassurants, votre sourire
bienveillant.
Je
garde en mémoire vos gestes respectant mon intimité et mon corps.
Je
garde en mémoire vos encouragements, votre patience et votre écoute
attentive.
Je
garde en mémoire vos petits gestes d'attention, comme un simple café
proposé.
A
toutes ces personnes je leur dit MERCI du plus profond de mon cœur.
Merci
pour votre investissement corps et âme.
Merci
pour l'espoir que vous nous donnez.
Merci
pour votre compréhension, votre écoute et votre aide.
Merci
de savoir nous redonner le sourire.
Merci
à ceux qui ont l'honnêteté de nous dire quand ils ne maîtrisent
pas une certaine pathologie. De prendre la peine de nous renvoyer
vers un(e) confrère maîtrisant mieux le sujet. Ceci au lieu de nous
dire que c'est forcément « dans notre tête » ou « dû
au stress ».
Merci
d'être là. Merci d'exister.
Car
grâce à vous, je continue à croire en la Médecine traditionnelle.
Grâce à vous, je me sens comprise, légitime et en confiance. Grâce
à vous je peux continuer à vivre avec plus de sérénité. Grâce à
vous j'ai moins peur des rendez-vous et des examens médiaux.
Vous
êtes rares et précieux, MERCI.
(Médecins
spécialistes et généralistes, Infirmier(es), Aides-Soignant(es),
ASH, Internes, Anesthésistes, chirurgiens, kinés, ostéo,
radiologues, etc...).
Ps :
un énorme merci aux infirmièr(e)s et anesthésistes qui font preuve
d'énormément de patience et de douceur avec moi quand ils
n'arrivent pas ou galèrent à me prélever du sang ou à me poser des cathéters.
Vous êtes incroyables. (Car mes veines ne se voient pas et sont très
difficile à sentir).