24/09/2021

VOG : Mon témoignage

 Avant de commencer, avertissements :


Attention, cet article est mon témoignage personnel. Le but est en aucun cas de choquer les personnes qui vont le lire. L’objectif n’est pas de « marquer » les esprits. Seulement de dénoncer des faits réels. Ce qui se trouve ci-dessous un est événement qui a été traumatique pour moi. Nous avons tous notre vécu et un niveau de sensibilité différent. De ce fait, merci de ne pas émettre de jugements. Mon objectif est de libérer la parole et de dénoncer à mon niveau (en fonction de mes propres capacités mentales) une vérité qui dérange. Des agissements qui ne sont malheureusement pas rares. Je souhaite dénoncer sur la toile à mon échelle les VOG ( Violences Obstétricales et Gynécologiques). Je parle ci-dessous de violences physiques (sexuelles) subies en rentrant dans les détails. Si vous ne vous sentez pas « apte » à lire ces lignes j’ai mis ces passages sous « Trigger Warning », vous pourrez donc sauter ce passage. J’aurai pu faire le choix de ne pas rentrer dans les détails. Mais j’ai décidé de le faire pour montrer concrètement une réalité. Tout simplement parce que c’est ce que j’ai vécu et pas autre chose. Je vous conseille également d’éviter ce passage si vous avez vous-même vécu des violences sexuelles / VOG. Je ne souhaite pas réveiller vos propres traumatismes. Il en est de même concernant les personnes sensibles à ces sujets là.


Présentation :


Je vous écris ce témoignage ce jour car j’ai toujours autant de mal à respirer, du mal à vivre avec.

J’écris ce témoignage pour moi, mais aussi au nom de toutes ces personnes qui ont vécu ça et qui n’arrivent pas à s’exprimer.

Rien que le fait de rédiger ces premières lignes, je tremble déjà de tout mon être et je me sens nauséeuse. J’ai très chaud, puis je me sens glacée, frigorifiée. Mes mains tremblent comme si je souffrais de la maladie de parkinson, mes mâchoires se serrent et les larmes ne sont pas loin, la crise d’angoisse non plus. Tout ça prouve que je ne me suis toujours pas débarrassée de ce traumatisme. J’ai appris récemment qu’il ne partirait jamais vraiment, qu’il faut simplement apprendre à vivre avec… Ça fait plus d’un an que je souhaite rédiger cet article mais je n’y arrivais pas. Les récents événements vécus par de trop nombreuses femmes m’ont cependant donné le courage de le faire.

Le 17 janvier 2020. Une date qui reste gravée dans ma mémoire. Une date et des événements qui se rappellent à moi de manière très violente parfois. Il suffit de tomber sur un texte, un élément qui m’y fera penser, un témoignage, un discours pour que ça vienne me prendre à la gorge et m’empêcher de respirer. Ce que j’ai vécu ça s’appelle un VOG (Violences Obstétricales et Gynécologiques).



Témoignage :


Le RDV avec les violences :

J’ai consulté ce médecin pour une suspicion d’endométriose et de vestibulodynie. Je me suis fiée aux conseils du secrétariat de l’hôpital le plus proche de chez moi et à l’annuaire des clés de Vénus. J’avais parlé préalablement du sujet à mon médecin traitant qui avait accepté de me prescrire un IRM pelvien. La conclusion du radiologue était claire, tout était écrit noir sur blanc « endométriose profonde » avec atteinte importante au niveau de mon « ligament utéro-sacré gauche ». C’est donc toute confiante et sereine que je me suis rendue à mon 1er RDV de consultation pour avoir un avis médical. Car d’après le secrétariat ce médecin était le seul spécialiste du département qui connaissait bien le sujet et qui opérait les personnes atteintes d’endométriose avec de très bons résultats. Habituée aux rendez-vous médicaux depuis toute petite et ayant vu dans ma vie déjà plus de 4 gynécologues différents, j’étais super à l’aise. Je partais même super souriante en me disant « il me tarde, je vais ENFIN pouvoir parler à un spécialiste, je vais pouvoir avoir des réponses à mes questions et savoir quelles solutions s’offrent à moi ».

En sachant que c’était la 1ère fois que je rencontrais ce médecin, en m’asseyant la 1ère chose qu’il m’a demandé c’est pour quelle raison je venais le consulter lui et non pas un confrère. Je lui répond donc que je viens le voir suite aux conseils du secrétariat du service gynécologique et que « je viens pour mon endométriose ». Quel malheur j’ai eu de m’exprimer ainsi. Il m’a de suite répondu sèchement, « vous avez un diagnostic ? » J’ai dit « oui, regardez j’ai rapporté mon IRM ». Là aussi, il faut croire que j’avais fait une grossière erreur. Il m’a répondu avec une certaines virulence « NON. Je vous arrête tout de suite mademoiselle, vous n’AVEZ PAS d’endométriose » (je note en majuscules car il avait fortement insisté sur ces mots là). « Un IRM ne suffit pas à émettre un diagnostic, la seule façon de diagnostiquer une endométriose c’est par une cœlioscopie exploratrice ». Je lui réponds donc toute penaude « mais je ne comprends pas c’est marqué dans la conclusion de mon IRM ». Il m’a alors répondu « bon, donnez moi ça ! ». Je lui ai alors transmis mes résultats. Il a pu avoir accès à la conclusion et aux images par informatique. Il a alors admis que oui en effet, on pouvait peut-être considérer que j’en souffrais. Malheureusement pour moi, le fait qu’il doive admette cet élément l’avait encore plus mis en colère. Il m’a alors demandé de lui décrire mes symptômes. J’en étais rendue à mon 2ème symptôme quand il m’a stoppé net dans mon élan avec agacement « STOP, arrêtez de parler, c’est MOI qui pose les questions. Vous allez me répondre par oui ou par non uniquement ». Il m’a donc posé 3 questions, j’ai suivi ses consignes. J’étais de plus en plus mal à l’aise face à son agacement. Je n’avais pas l’habitude de croiser des médecins aussi « mal lunés ». Je me disais qu’il avait peut être eu une sale journée comme ça peut arriver à la majorité des gens, qu’après tout c’était un être humain comme tout le monde. J’ai donc malgré tout osé poser la question « et pour ma suspicion de vestibulodynie ? ». En remuant sa main avec mépris genre « poussez vous, vous me soûlez » il m’a indiqué le fauteuil d’auscultation. « On va vérifier tout ça, je vais vous ausculter, allez vous déshabiller ».

ATTENTION TW, on passe aux violences physiques. Ne lisez pas cette partie si c’est un sujet trop sensible pour vous. Car je rentre vraiment dans les détails. Merci.

Début du TW :

Je m’attends à une auscultation lambda comme j’ai toujours eu droit, la routine quoi ! J’avais déjà fait des prélèvements suite à mes symptômes avec d’autres gynéco, des frottis etc. J’avais l’habitude qu’on parle à la cool de la pluie et du beau temps pour que l’examen se passe au mieux et pour détourner le cerveau. J’avais l’habitude aussi bien entendu qu’on me prévienne et qu’on m’explique ce qu’on allait faire. Les exam’ gygy c’est en quelque sorte un travail d’équipe. Ce n’est pas super agréable, c’est malaisant mais bon on fait un peu d’humour et ça passe crème. On se dit que des foufounes ils en voient toute la journée donc personnellement je n’étais pas pudique plus que ça avec ce genre de docteur. Tellement l’habitude en vrai. Du coup, là je n’ai vraiment pas compris ce qui me tombait dessus. Je m’attendais au fameux « test du coton-tige » (vu que je venais de prévenir ce cher médecin des douleurs atroces que je subissais à l’entrée du vagin et en pénétration lorsque j’étais en crise). Attention je rentre dans les détails, il me demande d’écarter les jambes beaucoup plus et d’avancer mes fesses vers l’avant. Je m’exécute. Je l’entends mettre un espèce de gel je ne sais où car je ne vois rien. Il souffle en me repoussant l’une de mes jambes sans ménagement pour encore plus écarter et sans me prévenir me pénètre très violemment et profondément avec son doigt. J’ai si mal et c’est si violent que j’en ai sursauté du siège. J’en ai eu le souffle coupé et les larmes aux yeux. Je n’arrivais pas à réagir tellement j’étais scotchée. Il bouge son doigt en mois en appuyant sur un endroit précis au fond. Bien entendu le plus douloureux comme un bouton magique où déferlerait une douleur profonde et foudroyante. Il me regarde enfin et me demande « vous avez mal là ? ». Je lui réponds la voix en sanglots que oui j’ai très mal. Il me réponds « Ha ! Bah c’est normal je suis pile poil au niveau de votre ligament utéro-sacré gauche, là où vous avez vos lésions d’endométriose ». Je commence à avoir du mal à respirer et à retenir difficilement mes larmes. Après sans me demander si je vais bien ou s’il peut continuer l’examen, il bouge son doigt de l’autre côté, me demande si là aussi j’ai mal, je lui dis que un peu moins mais que j’ai quand même très mal. Quand je vois qu’il bouge ailleurs et me demande si là aussi j’ai mal, j’arrive à peine à lui dire « non, mais là j’ai vraiment mal partout, vous me faites mal ». Il n’entends pas ma phrase et continue comme ça sur chaque côté et paroi de mon vagin. Sur toute la surface en me disant « et là »? Tout ce que j’arrive à faire, c’est serrer les dents et lui répondre oui d’un air de supplique. Je me répète que c’est bientôt terminé, qu’il est médecin, qu’il sait ce qu’il fait, que c’est sûrement nécessaire pour me diagnostiquer. Et là aussi, sans me prévenir, retire son doigt d’un coup sec. Ceci en sachant que j’ai un vagin hypertonic et que c’est donc très douloureux. Il se lève retire ses gants, jamais il ne m’a regardé pour s’assurer que j’allais bien. Il va s’asseoir à son bureau.

Fin du TW.

Il me demande d’aller me rhabiller, qu’il pense que j’ai bien une endométriose et une forme de vulvodynie. Qu’il faut qu’on programme une opération chirurgicale pour réaliser une cœlioscopie exploratrice pour confirmer le diagnostic.

Inutile de vous dire que je n’arrivais pas à lui répondre. Je me suis relevée avec grande difficulté du fauteuil. J’arrivais difficilement à marcher. J’avais les jambes très flageolantes. Le regard dans le vide. Je ne sais pas pour quelle raison, je me suis dirigée les fesses à l’air vers son bureau dans l’intention de m’asseoir sur la chaise en face de lui . Il relève les yeux, me regarde et me dit en pouffant « heeuuuu mademoiselle je pense que vous vous sentirez plus à l’aise si vous alliez vous rhabiller d’abord ». Avec surprise et honte je suis retournée tout doucement vers la cabine. J’ai mis un temps fou à me rhabiller. Et je me suis alors rendue compte que j’étais encore trempée de gel. Il ne m’avait même pas donné de quoi m’essuyer. Je me suis rhabillée comme ça. Désorientée et assommée de fatigue. Enfin rhabillée je me dirige vers son bureau et m’assoie. Je grimace alors et j’ai envie de pleurer. M’asseoir est si douloureux. Ça me brûle et me pique atrocement comme une plaie à vif. Merci dame Vestibulodynie. Je me souviens avoir eu la nausée tout d’un coup. Là aussi sans relever le nez, il me dit « bon, alors on va programmer votre opération. Rassurez-vous on a l’habitude, l’opération dure en moyenne 30 à 45 min. On va vérifier tout ça, voir l’étendue de vos lésions, vérifier l’état de vos trompes. Vous ne souhaitez pas d’enfants tout de suite ? » J’ai réussi à secouer la tête par la négative. « On va voir aussi ce qu’on fera de votre ligament utéro-sacré on le retirera si il est trop atteint ». Je l’ai regardé avec étonnement. Il m’a alors répondu que le retirer ce n’était pas grave, que ça n’avait pas une grande utilité, qu’on pouvait largement vivre sans. Car là oui vu qu’on parlait de choses qui l’intéressait, j’avais toute son attention et il me regardait dans les yeux, enfin ! « Rassurez-vous hein, ce genre d’opération il n’y a pas vraiment de risques ». « Vous êtes donc d’accord on fait comme ça ? On programme l’opération pour mars 2020 ? ». Avec un peu de chance cette opération résoudra vos problèmes de douleurs lors des rapports. Et je vous donnerai le contact d’une sage-femme qui s’occupe de la rééducation périnéale. Elle fait aussi de la sophrologie. Vous verrez, elle fait du très bon travail sur les dyspareunies ». « Ça va aller, vous allez voir on va trouver des solutions ». Je ne comprenais absolument pas son changement de comportement. Tout d’un coup, il était devenu tout souriant, bienveillant et rassurant. Tellement, que j’avais l’impression de ne plus avoir la même personne en face et d’avoir tout inventé ce que je venais de vivre. Il se lève alors, me présente la porte. Je me lève difficilement. Il sourit et me dit « à très bientôt, je vous prie d’aller voir le secrétariat pour les formalités de l’opération ». Et voilà.

[J’ai appris par la suite que cet acte médical s’appelle un « toucher vaginal », j’ai alors constaté après coup qu’on m’en avait déjà fait un et que en aucun cas ça ne s’était passé comme ça, avec une telle violence. J’ai appris aussi qu’un médecin avait l’obligation de demander notre consentement avant de le réaliser car c’est un acte invasif et bien entendu pénétratif].

Après ça. Je me souviens avoir agit comme un robot mis sous pilote automatique. Ma maman qui était en salle d’attente a vu que ça n’allait pas trop. J’ai répondu que ça allait car je ne voulais pas fondre en larmes devant tout le monde dans le couloir. On a donc remplit tous les documents. Puis j’ai dû dire au revoir à ma maman car j’étais alors hospitalisée dans un centre de rééducation pour ma Myopathie. Un taxi m’attendait pour me ramener là bas. Le chauffeur de taxi a vu que je n’allais pas bien. Il était très gentil et bienveillant. Je sentais que je pouvais lui faire confiance. Je lui ai donc tout déballé sans rentrer dans les détails. J’étais au bord des larmes mais je n’ai pas pleuré. Cet homme m’a alors expliqué que ce que je venais de vivre était grave. Qu’il était important que j’en parle à une infirmière ou à un médecin du centre et de me faire aider (prise en charge psychologique). Que malheureusement sa femme aussi était atteinte d’endométriose et qu’elle avait vécu une expérience similaire et que en parler était très important pour évacuer tout ça.


Le Après :

En rentrant j’avais directement rendez-vous avec mon kiné pour une séance. Je suis allée aux WC et là ça a été le drame une douleur d’écorchure à vif extrême. Tellement que j’en ai eu des suées. Je tremblais, mais j’ai réussi à me rhabiller. Je me suis dirigée en boitant à moitié à mon rdv. Je n’arrivais à rien. J’étais un zombie. Je me souviens comme si c’était hier que j’avais sans cesse le regard dans le vide. Je bloquais totalement. Je n’arrivais à réaliser aucun exercice correctement. Le kiné inquiet m’a demandé comment j’allais, si ça c’était bien passé. Je lui ai répondu en secouant la tête que non. Après j’ai réussi à articuler que ça s’était très mal passé en me recroquevillant sur moi-même. Il m’a demandé si je voulais en parler. J’ai réussi à lui dire au bout d’un moment que j’avais subi des violences gynéco. Il m’a alors demandé si j’étais d’accord qu’il prévienne l’équipe pour qu’une infirmière vienne me voir après dans ma chambre. J’ai répondu que oui. Il m’a demandé de venir avec lui pour me changer les idées, qu’on allait faire un exercice sympa. C’est comme si il avait deviné que les images me hantaient sans arrêt. On a joué ensemble à se faire des petites passes tout doucement avec un ballon. C’est bête mais ça m’a fait un bien fou. Ça forçait mon cerveau à se concentrer sur autre chose. Il me souriait de manière bienveillante. Il essayait de me faire rire en faisant l’imbécile du genre « merde tu déconnes tu me l’a envoyé trop fort là ». Après il faisait semblant d’être déséquilibré. J’avais quelques larmes qui coulaient toutes seules et en même temps j’arrivais à sourire un peu. Je ne remercierai jamais assez mon kiné pour sa non insistance. A aucun moment il a voulu savoir, à aucun moment il a remué le couteau dans la plaie. Il est resté neutre et calme. Son but était de me changer les idées avant tout. Il m’a accompagné sans jamais me juger ou émettre son avis. Le lendemain il m’a demandé si j’avais réussi à parler et si j’avais réussi à dormir et c’est tout. Et je l’en remercie infiniment car ça m’a évité de passer ma séance à ressasser.

A la fin de ma séance, il était temps de regagner ma chambre. Et là, je ne sais pas ni comment ni pourquoi mais les vannes ont lâché. Sûrement le fait de se retrouver seule tout d’un coup. J’ai pleuré de manière incontrôlable et violente. Comme jamais ça ne m’étais arrivée de toute ma vie. Des vagues de sanglots impressionnants avec de grands hoquets au point d’en avoir mal à la gorge. Je me suis retrouvée rapidement trempée de larmes. Après j’ai eu le besoin d’écrire. J’ai écrit en pleurant en relatant tout ce qu’il s’était passé. Car je n’arrivais plus à respirer. Je ne savais plus quoi faire de moi-même. Je me suis retrouvée dans un état de panique. Il fallait que je fasse quelque chose. J’avais la terrible sensation de devenir folle. J’avais envie de me griffer les bras. De me faire du mal. Car je ne me sentais plus « vivante ». Ce sont des mots terribles. Mais je ne me reconnaissais plus dans mon esprit. J’étais envahie par la terreur et l’angoisse. Une fois que j’ai eu fini d’écrire, je commençais à tourner en rond dans ma chambre en marchant. Ça m’avait soulagé d’écrire, ça m’avait évité une crise de panique je pense. Mais ça n’avait pas aussi bien marché que je l’aurai cru. Heureusement dans un timing parfait, l’infirmière a toqué à la porte et m’a demandé si elle pouvait entrer. Et là j’ai refondu en larmes. Pareil, impossible de me contrôler. Après je lui ai tout déballé. A elle et à l’infirmière stagiaire qui l’accompagnait. Ça m’a fait tellement de bien d’être entendue, écoutée, considérée. Mon témoignage a été pris au sérieux et ça c’était le plus beau cadeau que l’on pouvait me faire à ce moment là. Que des personnes issues du milieu médical croient en mes paroles. Je leur disait que je ne comprenais pas pourquoi j’étais dans un tel état. Qu’il y avait pire dans la vie, qu’il me semblait avoir vécu des choses bien pires. Comme la fois où j’avais failli mourir d’une péritonite. Que j’avais juste pas eu de chance car j’étais tombée sur un connard de mauvais poil qui s’était vengé de sa mauvaise journée sur moi point. Elles m’ont alors expliqué que je ne devais pas sous estimer ce qui m’étais arrivée, que j’étais dans un état de stress post-traumatique. Que je devais être patiente et bienveillante avec moi-même. Que ce que j’avais vécu d’un point de vue médical et au niveau de la loi était un viol. Qu’aucune excuse n’était recevable pour de tels actes. Ces mots là m’ont fait un choc. Car en aucun cas je n’avais vu les choses sous cet angle. Je me suis donc un petit peu plus sentie légitime dans mes réactions que je trouvais « excessives ». Elles m’ont demandé le nom du médecin. Je leur ai donné. Et là l’infirmière stagiaire m’a informé que malheureusement ça ne l’étonnait pas. Car elle avait déjà fait un stage dans son service et qu’il était connu pour ne pas du tout être tendre avec ses patientes. Je me suis à la fois sentie moins seule, légitime et à la fois terrifiée de me dire que je n’étais peut-être pas la seule. J’ai demandé ensuite à ce qu’on me donne quelque chose pour me calmer car je me sentais très mal. Elles m’ont donné la moitié d’un anxiolitique et ça m’a soulagé. J’avais enfin la sensation de retrouver un peu de paix intérieur. J’en ai pris pendant 24h. Après j’ai réussi à m’en passer même si ça a été difficile car c’était plus vivable et confortable. Mais je ne souhaitais pas m’y habituer. Après j’ai réussi à en parler un peu au médecin qui me suivait dans le centre puis au psychologue 2 jours après. Ma plus grande chance dans ce passage de ma vie aura été de réussir à en parler. Je n’ose même pas imaginer dans quel état doivent être les personnes qui n’ont personne à qui se confier. Qui n’arrivent pas à en parler ou à écrire. Des fois je me dis que c’est comme si parler m’avait sauvé la vie. En tout cas ma santé mentale. Car j’ai cru réellement devenir folle et ne pas réussir à me sortir de cet état second. Un état de détresse psychologique comme jamais j’ai ressenti. Un état que je ne souhaite à personne. Car on a la sensation d’être une autre personne. Qu’on ne fonctionnera jamais plus comme avant.

Pour information, j’ai eu des douleurs en urinant et au bas du ventre qui ont duré plus de 3h après l’examen. Comme une énorme infection urinaire qui me faisait pleurer tellement la douleur était intense.


Les jours / semaines suivants :

Ne plus réussir à se regarder dans le miroir. Avoir des réactions bizarres (se prendre dans nos propres bras, se recroqueviller et se balancer dans une volonté de réconfort). Avoir des crises de larmes sorties de nulle part incontrôlables. Du vaginisme. Des réactions de défense (mon compagnon par moments ne pouvait pas s’approcher de moi). Se retrouver dans une pièce et ne plus savoir pourquoi on est là. Marcher sans but, ne pas savoir où on va. Des absences. Des regards bloqués dans le vide. Fatigue chronique. Irritabilité. Des douleurs dans le dos, les épaules. La mâchoire, les poings très souvent serrés sans qu’on s’en rende compte. Anxiété chronique. Une colère profonde en soi. Quelques débuts de crises d’angoisses. Et le pire je trouve, c’était cette sensation affreuse d’être dépossédée de mon propre corps. D’être en retrait. Comme si mon corps ne m’appartenait plus. C’est aussi pour cette raison que j’avais la sensation de ne plus tellement être vivante. C’est comme si on m’avait volé une partie de moi. Volé aussi ma confiance envers le corps médical (ça m’a pris beaucoup de temps avant de refaire confiance aux médecins).


Les mois suivants :

- 2 thérapies (une par hypnose, une avec EFT) + chiropraxie + méditation + kinésiologue + digipuncture + sexologue spécialisée dans les Dyspareunies qui est aussi Gynécologue. Et récemment une psychologue consultée. Je dois d’ailleurs reprendre RDV.

- Un sentiment de culpabilité qui me ronge car je n’ai pas réussi à porter plainte ni à le dénoncer à l’ordre des médecins. Je me sens terriblement coupable pour les autres femmes / jeunes filles. J’ai tellement peur qu’il détruise des vies, qu’il fasse d’autres victimes. Et à la fois je suis terrorisée. Terrorisée de le dénoncer pour me retrouver confrontée à lui. Qu’il sache qui l’a dénoncé. J’angoisse de me retrouver de nouveau prise en charge par lui dans le cadre d’une urgence. Et qu’il se venge. Ça me donne des cauchemars rien que d’y penser. A la fois je sens que c’est un devoir de le faire et à la fois ma terreur est justifiée car c’est le seul médecin habilité de tout mon département. Car c’est le chef de service du service gynécologique de la ville la plus proche et que notre département est tout petit. Car c’est quelqu’un qui a beaucoup d’influence dans le coin. Tout ce que j’ai fait pour le moment c’est dénoncer à tous mes amis, famille, connaissances. À absolument tous les médecins et praticiens qui me suivent. Je ne me sens pas capable à l’heure actuelle de faire plus. Merci de ne pas citer de noms en commentaires ou de demander en public. Ni mon secteur, ni mon département. Car sinon je pourrais être poursuivie juridiquement pour diffamation. Je ne répondrai donc pas en commentaires ni sur les réseaux.

- Aujourd’hui avec les thérapies j’arrive à mieux vivre avec ce traumatisme. Même s’il ressurgit parfois sans prévenir. J’ai eu l’immense chance d’avoir été correctement et rapidement prise en charge psychologiquement.

Avant de finir, merci de ne pas me laisser de commentaires de type « mais pourquoi tu ne lui a pas dit stop ou non ou arrêtez, si tu n’as rien dit il ne pouvait pas deviner ». Il est important de noter que lorsque le l’on vit un événement que notre corps ou notre cerveau estime « traumatique », il se met tout seul en mode survie pour nous « protéger ». Ne rien dire, se taire, rester de marbre, fait partie d’un mécanisme instinctif de survie pour nous éviter potentiellement que la situation s’aggrave. Bien évidement qu’après l’événement on s’en veut de ne pas avoir réagit. Mais c’est comme ça. On ne peut rien y faire. On ne choisit pas forcément ses réactions. D’autres personnes par exemple vont carrément devenir amnésiques et tout oublier. Notre cerveau est intelligent, il cherche à tout prix à nous protéger du pire. S’il estime qu’on ne sera pas capable de vivre avec, il va préférer nous faire « oublier » volontairement. Tout cela je l’ai appris en thérapie. Suite à ça j’ai mieux compris pourquoi je ne m’étais pas défendue. Moi qui suis tellement combative d’habitude, je ne comprenais pas mon manque de réaction. Maintenant je sais. Tout ça pour dire que en aucun cas vous avez le droit de juger les victimes de violences telles quelles soient concernant leurs « non réaction ». Ce n’est pas un manque de force, ni un manque de courage. C’est seulement un mécanisme de survie difficile à contrôler.



Remerciements :


- Un immense merci à toute l’équipe de mon centre de rééducation fonctionnelle. Pour leur soutien à tous. Leur aide et leur bienveillance. Ils ont été de véritables amours et jamais dans le jugement.

- Un merci aussi grand que l’infini à mon chéri pour son amour et sa patience sans égale. Son soutien à toute épreuve, son combat à mes côtés. Merci pour ta présence et ton respect de mes limites. Merci pour ton écoute et pour tes gestes d’attention. Merci de ne pas m’avoir jugé quand j’étais plus bas que terre. Merci pour avoir réussi comme personne à me garder l’esprit occupé.

- Merci à ma famille et mes amis pour les mêmes raisons. Merci pour leur soutien.

- Merci aussi à toutes les personnes qui m’ont soutenues sur Instagram sans jugement également. Certaines personnes sont même devenues des amies depuis.

- Merci infiniment à l’association FemmesEndo&Co qui m’a été d’un grand secours pour traverser cette épreuve en 2020. Merci notamment aux intervenants : Tristan pour la thérapie par hypnose que j’ai pu faire avec lui. Merci à Peggy du compte @end0uceur et son cercle de femmes en ligne où j’ai pu déposer mon témoignage. Merci à toutes les participantes pour leur écoute et bienveillance. Merci pour ton soutien en privé Peggy, il m’a été très précieux.



Conclusion :

Merci à tous d’avoir pris la peine et le temps de m’avoir lu. Merci de nous aider à libérer la parole. Ensemble nous sommes plus forts face à toutes ces horreurs (quelles soient plus au moins graves, ce n’est pas le niveau de gravité qui compte, mais les actes eux-mêmes). Il faut que tout cela cesse. Nous sommes des êtres humains dotés de sentiments, d’une sensibilité. D’un corps qui ressent. Nous ne sommes pas des objets.

Chers médecins, chers praticiens. Vous avez le pouvoir de sauver des vies et nous vous en remercions. Mais n’oubliez pas non plus que vous avez le pouvoir sans pour autant le vouloir, de détruire des vies.

Pourquoi j’ai rédigé ce témoignage ? Comme je le disais pour libérer la parole. Pour donner l’élan à d’autres personnes de le faire à leur tour. Car en parler peut avoir un but thérapeutique. Ça me semble également important d’en parler pour faire de la prévention et de la sensibilisation. Sachez qu’un médecin n’a pas tous les droits. Vous avez le droit de dire NON ou STOP. A tout moment vous pouvez faire stopper un examen. Tout simplement parce que votre corps vous appartient. Un médecin n’a pas le droit de vous forcer à faire un examen. Vous avez le droit de partir d’une consultation si vous vous sentez en danger et vous n’avez aucun compte à rendre.


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