Avant
de commencer, avertissements :
Attention,
cet article est mon témoignage personnel. Le but est en aucun cas de
choquer les personnes qui vont le lire. L’objectif n’est pas de
« marquer » les esprits. Seulement de dénoncer des faits
réels. Ce qui se trouve ci-dessous un est événement qui a été
traumatique pour moi. Nous avons tous notre vécu et un niveau de
sensibilité différent. De ce fait, merci de ne pas émettre de
jugements. Mon objectif est de libérer la parole et de dénoncer à
mon niveau (en fonction de mes propres capacités mentales) une
vérité qui dérange. Des agissements qui ne sont malheureusement
pas rares. Je souhaite dénoncer sur la toile à mon échelle les VOG
( Violences Obstétricales et Gynécologiques). Je parle ci-dessous
de violences physiques (sexuelles) subies en rentrant dans les
détails. Si vous ne vous sentez pas « apte » à lire ces
lignes j’ai mis ces passages sous « Trigger Warning »,
vous pourrez donc sauter ce passage. J’aurai pu faire le choix de
ne pas rentrer dans les détails. Mais j’ai décidé de le faire
pour montrer concrètement une réalité. Tout simplement parce que
c’est ce que j’ai vécu et pas autre chose. Je vous conseille
également d’éviter ce passage si vous avez vous-même vécu des
violences sexuelles / VOG. Je ne souhaite pas réveiller vos propres
traumatismes. Il en est de même concernant les personnes sensibles à
ces sujets là.
Présentation :
Je
vous écris ce témoignage ce jour car j’ai toujours autant de mal
à respirer, du mal à vivre avec.
J’écris
ce témoignage pour moi, mais aussi au nom de toutes ces personnes
qui ont vécu ça et qui n’arrivent pas à s’exprimer.
Rien
que le fait de rédiger ces premières lignes, je tremble déjà de
tout mon être et je me sens nauséeuse. J’ai très chaud, puis je
me sens glacée, frigorifiée. Mes mains tremblent comme si je
souffrais de la maladie de parkinson, mes mâchoires se serrent et
les larmes ne sont pas loin, la crise d’angoisse non plus. Tout ça
prouve que je ne me suis toujours pas débarrassée de ce
traumatisme. J’ai appris récemment qu’il ne partirait jamais
vraiment, qu’il faut simplement apprendre à vivre avec… Ça fait
plus d’un an que je souhaite rédiger cet article mais je n’y
arrivais pas. Les récents événements vécus par de trop nombreuses
femmes m’ont cependant donné le courage de le faire.
Le
17 janvier 2020. Une date qui reste gravée dans ma mémoire. Une
date et des événements qui se rappellent à moi de manière très
violente parfois. Il suffit de tomber sur un texte, un élément qui
m’y fera penser, un témoignage, un discours pour que ça vienne me
prendre à la gorge et m’empêcher de respirer. Ce que j’ai vécu
ça s’appelle un VOG (Violences Obstétricales et Gynécologiques).
Témoignage :
Le RDV avec les
violences :
J’ai
consulté ce médecin pour une suspicion d’endométriose et de
vestibulodynie. Je me suis fiée aux conseils du secrétariat de
l’hôpital le plus proche de chez moi et à l’annuaire des clés
de Vénus. J’avais parlé préalablement du sujet à mon médecin
traitant qui avait accepté de me prescrire un IRM pelvien. La
conclusion du radiologue était claire, tout était écrit noir sur
blanc « endométriose profonde » avec atteinte importante
au niveau de mon « ligament utéro-sacré gauche ». C’est
donc toute confiante et sereine que je me suis rendue à mon 1er
RDV de consultation pour avoir un avis médical. Car d’après le
secrétariat ce médecin était le seul spécialiste du département
qui connaissait bien le sujet et qui opérait les personnes atteintes
d’endométriose avec de très bons résultats. Habituée aux
rendez-vous médicaux depuis toute petite et ayant vu dans ma vie
déjà plus de 4 gynécologues différents, j’étais super à
l’aise. Je partais même super souriante en me disant « il me
tarde, je vais ENFIN pouvoir parler à un spécialiste, je vais
pouvoir avoir des réponses à mes questions et savoir quelles
solutions s’offrent à moi ».
En
sachant que c’était la 1ère fois que je rencontrais ce médecin,
en m’asseyant la 1ère chose qu’il m’a demandé c’est pour
quelle raison je venais le consulter lui et non pas un confrère. Je
lui répond donc que je viens le voir suite aux conseils du
secrétariat du service gynécologique et que « je viens pour
mon endométriose ». Quel malheur j’ai eu de m’exprimer
ainsi. Il m’a de suite répondu sèchement, « vous avez un
diagnostic ? » J’ai dit « oui, regardez j’ai
rapporté mon IRM ». Là aussi, il faut croire que j’avais
fait une grossière erreur. Il m’a répondu avec une certaines
virulence « NON. Je vous arrête tout de suite mademoiselle,
vous n’AVEZ PAS d’endométriose » (je note en majuscules
car il avait fortement insisté sur ces mots là). « Un IRM
ne suffit pas à émettre un diagnostic, la seule façon de
diagnostiquer une endométriose c’est par une cœlioscopie
exploratrice ». Je lui réponds donc toute penaude « mais
je ne comprends pas c’est marqué dans la conclusion de mon IRM ».
Il m’a alors répondu « bon, donnez moi ça ! ».
Je lui ai alors transmis mes résultats. Il a pu avoir accès à la
conclusion et aux images par informatique. Il a alors admis que oui
en effet, on pouvait peut-être considérer que j’en souffrais.
Malheureusement pour moi, le fait qu’il doive admette cet élément
l’avait encore plus mis en colère. Il m’a alors demandé de lui
décrire mes symptômes. J’en étais rendue à mon 2ème symptôme
quand il m’a stoppé net dans mon élan avec agacement « STOP,
arrêtez de parler, c’est MOI qui pose les questions. Vous allez me
répondre par oui ou par non uniquement ». Il m’a donc posé
3 questions, j’ai suivi ses consignes. J’étais de plus en plus
mal à l’aise face à son agacement. Je n’avais pas l’habitude
de croiser des médecins aussi « mal lunés ». Je me
disais qu’il avait peut être eu une sale journée comme ça peut
arriver à la majorité des gens, qu’après tout c’était un être
humain comme tout le monde. J’ai donc malgré tout osé poser la
question « et pour ma suspicion de vestibulodynie ? ».
En remuant sa main avec mépris genre « poussez vous, vous me
soûlez » il m’a indiqué le fauteuil d’auscultation. « On
va vérifier tout ça, je vais vous ausculter, allez vous
déshabiller ».
ATTENTION
TW, on passe aux violences physiques. Ne lisez pas cette
partie si c’est un sujet trop sensible pour vous. Car je rentre
vraiment dans les détails. Merci.
Début
du TW :
Je
m’attends à une auscultation lambda comme j’ai toujours eu
droit, la routine quoi ! J’avais déjà fait des prélèvements
suite à mes symptômes avec d’autres gynéco, des frottis etc.
J’avais l’habitude qu’on parle à la cool de la pluie et du
beau temps pour que l’examen se passe au mieux et pour détourner
le cerveau. J’avais l’habitude aussi bien entendu qu’on me
prévienne et qu’on m’explique ce qu’on allait faire. Les exam’
gygy c’est en quelque sorte un travail d’équipe. Ce n’est pas
super agréable, c’est malaisant mais bon on fait un peu d’humour
et ça passe crème. On se dit que des foufounes ils en voient toute
la journée donc personnellement je n’étais pas pudique plus que
ça avec ce genre de docteur. Tellement l’habitude en vrai. Du
coup, là je n’ai vraiment pas compris ce qui me tombait dessus. Je
m’attendais au fameux « test du coton-tige » (vu que
je venais de prévenir ce cher médecin des douleurs atroces que je
subissais à l’entrée du vagin et en pénétration lorsque j’étais
en crise). Attention je rentre dans les
détails, il me demande
d’écarter les jambes beaucoup plus et d’avancer mes fesses vers
l’avant. Je m’exécute. Je l’entends mettre un espèce de gel
je ne sais où car je ne vois rien. Il souffle en me repoussant l’une
de mes jambes sans ménagement pour encore plus écarter et sans me
prévenir me pénètre très violemment et profondément avec son
doigt. J’ai si mal et c’est si violent que j’en ai sursauté du
siège. J’en ai eu le souffle coupé et les larmes aux yeux. Je
n’arrivais pas à réagir tellement j’étais scotchée. Il bouge
son doigt en mois en appuyant sur un endroit précis au fond. Bien
entendu le plus douloureux comme un bouton magique où déferlerait
une douleur profonde et foudroyante. Il me regarde enfin et me
demande « vous avez mal là ? ». Je lui réponds la
voix en sanglots que oui j’ai très mal. Il me réponds « Ha !
Bah c’est normal je suis pile poil au niveau de votre ligament
utéro-sacré gauche, là où vous avez vos lésions
d’endométriose ». Je commence à avoir du mal à respirer et
à retenir difficilement mes larmes. Après sans me demander si je
vais bien ou s’il peut continuer l’examen, il bouge son doigt de
l’autre côté, me demande si là aussi j’ai mal, je lui dis que
un peu moins mais que j’ai quand même très mal. Quand je vois
qu’il bouge ailleurs et me demande si là aussi j’ai mal,
j’arrive à peine à lui dire « non, mais là j’ai vraiment
mal partout, vous me faites mal ». Il n’entends pas ma phrase
et continue comme ça sur chaque côté et paroi de mon vagin. Sur
toute la surface en me disant « et là »? Tout ce que
j’arrive à faire, c’est serrer les dents et lui répondre oui
d’un air de supplique. Je me répète que c’est bientôt terminé,
qu’il est médecin, qu’il sait ce qu’il fait, que c’est
sûrement nécessaire pour me diagnostiquer. Et là aussi, sans me
prévenir, retire son doigt d’un coup sec. Ceci en sachant que j’ai
un vagin hypertonic et que c’est donc très douloureux. Il se lève
retire ses gants, jamais il ne m’a regardé pour s’assurer que
j’allais bien. Il va s’asseoir à son bureau.
Fin
du TW.
Il
me demande d’aller me rhabiller, qu’il pense que j’ai bien une
endométriose et une forme de vulvodynie. Qu’il faut qu’on
programme une opération chirurgicale pour réaliser une cœlioscopie
exploratrice pour confirmer le diagnostic.
Inutile
de vous dire que je n’arrivais pas à lui répondre. Je me suis
relevée avec grande difficulté du fauteuil. J’arrivais
difficilement à marcher. J’avais les jambes très flageolantes. Le
regard dans le vide. Je ne sais pas pour quelle raison, je me suis
dirigée les fesses à l’air vers son bureau dans l’intention de
m’asseoir sur la chaise en face de lui . Il relève les yeux, me
regarde et me dit en pouffant « heeuuuu mademoiselle je pense
que vous vous sentirez plus à l’aise si vous alliez vous rhabiller
d’abord ». Avec surprise et honte je suis retournée tout
doucement vers la cabine. J’ai mis un temps fou à me rhabiller. Et
je me suis alors rendue compte que j’étais encore trempée de gel.
Il ne m’avait même pas donné de quoi m’essuyer. Je me suis
rhabillée comme ça. Désorientée et assommée de fatigue. Enfin
rhabillée je me dirige vers son bureau et m’assoie. Je grimace
alors et j’ai envie de pleurer. M’asseoir est si douloureux. Ça
me brûle et me pique atrocement comme une plaie à vif. Merci dame
Vestibulodynie. Je me souviens avoir eu la nausée tout d’un coup.
Là aussi sans relever le nez, il me dit « bon, alors on va
programmer votre opération. Rassurez-vous on a l’habitude,
l’opération dure en moyenne 30 à 45 min. On va vérifier tout ça,
voir l’étendue de vos lésions, vérifier l’état de vos
trompes. Vous ne souhaitez pas d’enfants tout de suite ? »
J’ai réussi à secouer la tête par la négative. « On va
voir aussi ce qu’on fera de votre ligament utéro-sacré on le
retirera si il est trop atteint ». Je l’ai regardé avec
étonnement. Il m’a alors répondu que le retirer ce n’était pas
grave, que ça n’avait pas une grande utilité, qu’on pouvait
largement vivre sans. Car là oui vu qu’on parlait de choses qui
l’intéressait, j’avais toute son attention et il me regardait
dans les yeux, enfin ! « Rassurez-vous hein, ce genre
d’opération il n’y a pas vraiment de risques ». « Vous
êtes donc d’accord on fait comme ça ? On programme
l’opération pour mars 2020 ? ». Avec un peu de chance
cette opération résoudra vos problèmes de douleurs lors des
rapports. Et je vous donnerai le contact d’une sage-femme qui
s’occupe de la rééducation périnéale. Elle fait aussi de la
sophrologie. Vous verrez, elle fait du très bon travail sur les
dyspareunies ». « Ça va aller, vous allez voir on va
trouver des solutions ». Je ne comprenais absolument pas son
changement de comportement. Tout d’un coup, il était devenu tout
souriant, bienveillant et rassurant. Tellement, que j’avais
l’impression de ne plus avoir la même personne en face et d’avoir
tout inventé ce que je venais de vivre. Il se lève alors, me
présente la porte. Je me lève difficilement. Il sourit et me dit
« à très bientôt, je vous prie d’aller voir le secrétariat
pour les formalités de l’opération ». Et voilà.
[J’ai
appris par la suite que cet acte médical s’appelle un « toucher
vaginal », j’ai alors constaté après coup qu’on m’en
avait déjà fait un et que en aucun cas ça ne s’était passé
comme ça, avec une telle violence. J’ai appris aussi qu’un
médecin avait l’obligation de demander notre consentement avant de
le réaliser car c’est un acte invasif et bien entendu pénétratif].
Après
ça. Je me souviens avoir agit comme un robot mis sous pilote
automatique. Ma maman qui était en salle d’attente a vu que ça
n’allait pas trop. J’ai répondu que ça allait car je ne voulais
pas fondre en larmes devant tout le monde dans le couloir. On a donc
remplit tous les documents. Puis j’ai dû dire au revoir à ma
maman car j’étais alors hospitalisée dans un centre de
rééducation pour ma Myopathie. Un taxi m’attendait pour me
ramener là bas. Le chauffeur de taxi a vu que je n’allais pas
bien. Il était très gentil et bienveillant. Je sentais que je
pouvais lui faire confiance. Je lui ai donc tout déballé sans
rentrer dans les détails. J’étais au bord des larmes mais je n’ai
pas pleuré. Cet homme m’a alors expliqué que ce que je venais de
vivre était grave. Qu’il était important que j’en parle à une
infirmière ou à un médecin du centre et de me faire aider (prise
en charge psychologique). Que malheureusement sa femme aussi
était atteinte d’endométriose et qu’elle avait vécu une
expérience similaire et que en parler était très important pour
évacuer tout ça.
Le Après :
En
rentrant j’avais directement rendez-vous avec mon kiné pour une
séance. Je suis allée aux WC et là ça a été le drame une
douleur d’écorchure à vif extrême. Tellement que j’en ai eu
des suées. Je tremblais, mais j’ai réussi à me rhabiller. Je me
suis dirigée en boitant à moitié à mon rdv. Je n’arrivais à
rien. J’étais un zombie. Je me souviens comme si c’était hier
que j’avais sans cesse le regard dans le vide. Je bloquais
totalement. Je n’arrivais à réaliser aucun exercice correctement.
Le kiné inquiet m’a demandé comment j’allais, si ça c’était
bien passé. Je lui ai répondu en secouant la tête que non. Après
j’ai réussi à articuler que ça s’était très mal passé en me
recroquevillant sur moi-même. Il m’a demandé si je voulais en
parler. J’ai réussi à lui dire au bout d’un moment que j’avais
subi des violences gynéco. Il m’a alors demandé si j’étais
d’accord qu’il prévienne l’équipe pour qu’une infirmière
vienne me voir après dans ma chambre. J’ai répondu que oui. Il
m’a demandé de venir avec lui pour me changer les idées, qu’on
allait faire un exercice sympa. C’est comme si il avait deviné que
les images me hantaient sans arrêt. On a joué ensemble à se faire
des petites passes tout doucement avec un ballon. C’est bête mais
ça m’a fait un bien fou. Ça forçait mon cerveau à se concentrer
sur autre chose. Il me souriait de manière bienveillante. Il
essayait de me faire rire en faisant l’imbécile du genre « merde
tu déconnes tu me l’a envoyé trop fort là ». Après il
faisait semblant d’être déséquilibré. J’avais quelques larmes
qui coulaient toutes seules et en même temps j’arrivais à sourire
un peu. Je ne remercierai jamais assez mon kiné pour sa non
insistance. A aucun moment il a voulu savoir, à aucun moment il a
remué le couteau dans la plaie. Il est resté neutre et calme. Son
but était de me changer les idées avant tout. Il m’a accompagné
sans jamais me juger ou émettre son avis. Le lendemain il m’a
demandé si j’avais réussi à parler et si j’avais réussi à
dormir et c’est tout. Et je l’en remercie infiniment car ça m’a
évité de passer ma séance à ressasser.
A la
fin de ma séance, il était temps de regagner ma chambre. Et là, je
ne sais pas ni comment ni pourquoi mais les vannes ont lâché.
Sûrement le fait de se retrouver seule tout d’un coup. J’ai
pleuré de manière incontrôlable et violente. Comme jamais ça ne
m’étais arrivée de toute ma vie. Des vagues de sanglots
impressionnants avec de grands hoquets au point d’en avoir mal à
la gorge. Je me suis retrouvée rapidement trempée de larmes. Après
j’ai eu le besoin d’écrire. J’ai écrit en pleurant en
relatant tout ce qu’il s’était passé. Car je n’arrivais plus
à respirer. Je ne savais plus quoi faire de moi-même. Je me suis
retrouvée dans un état de panique. Il fallait que je fasse quelque
chose. J’avais la terrible sensation de devenir folle. J’avais
envie de me griffer les bras. De me faire du mal. Car je ne me
sentais plus « vivante ». Ce sont des mots terribles.
Mais je ne me reconnaissais plus dans mon esprit. J’étais envahie
par la terreur et l’angoisse. Une fois que j’ai eu fini d’écrire,
je commençais à tourner en rond dans ma chambre en marchant. Ça
m’avait soulagé d’écrire, ça m’avait évité une crise de
panique je pense. Mais ça n’avait pas aussi bien marché que je
l’aurai cru. Heureusement dans un timing parfait, l’infirmière a
toqué à la porte et m’a demandé si elle pouvait entrer. Et là
j’ai refondu en larmes. Pareil, impossible de me contrôler. Après
je lui ai tout déballé. A elle et à l’infirmière stagiaire qui
l’accompagnait. Ça m’a fait tellement de bien d’être
entendue, écoutée, considérée. Mon témoignage a été pris au
sérieux et ça c’était le plus beau cadeau que l’on pouvait me
faire à ce moment là. Que des personnes issues du milieu médical
croient en mes paroles. Je leur disait que je ne comprenais pas
pourquoi j’étais dans un tel état. Qu’il y avait pire dans la
vie, qu’il me semblait avoir vécu des choses bien pires. Comme la
fois où j’avais failli mourir d’une péritonite. Que j’avais
juste pas eu de chance car j’étais tombée sur un connard de
mauvais poil qui s’était vengé de sa mauvaise journée sur moi
point. Elles m’ont alors expliqué que je ne devais pas sous
estimer ce qui m’étais arrivée, que j’étais dans un état de
stress post-traumatique. Que je devais être patiente et
bienveillante avec moi-même. Que ce que j’avais vécu d’un point
de vue médical et au niveau de la loi était un viol. Qu’aucune
excuse n’était recevable pour de tels actes. Ces mots là m’ont
fait un choc. Car en aucun cas je n’avais vu les choses sous cet
angle. Je me suis donc un petit peu plus sentie légitime dans mes
réactions que je trouvais « excessives ». Elles m’ont
demandé le nom du médecin. Je leur ai donné. Et là l’infirmière
stagiaire m’a informé que malheureusement ça ne l’étonnait
pas. Car elle avait déjà fait un stage dans son service et qu’il
était connu pour ne pas du tout être tendre avec ses patientes. Je
me suis à la fois sentie moins seule, légitime et à la fois
terrifiée de me dire que je n’étais peut-être pas la seule. J’ai
demandé ensuite à ce qu’on me donne quelque chose pour me calmer
car je me sentais très mal. Elles m’ont donné la moitié d’un
anxiolitique et ça m’a soulagé. J’avais enfin la sensation de
retrouver un peu de paix intérieur. J’en ai pris pendant 24h.
Après j’ai réussi à m’en passer même si ça a été difficile
car c’était plus vivable et confortable. Mais je ne souhaitais pas
m’y habituer. Après j’ai réussi à en parler un peu au médecin
qui me suivait dans le centre puis au psychologue 2 jours après. Ma
plus grande chance dans ce passage de ma vie aura été de réussir à
en parler. Je n’ose même pas imaginer dans quel état doivent être
les personnes qui n’ont personne à qui se confier. Qui n’arrivent
pas à en parler ou à écrire. Des fois je me dis que c’est comme
si parler m’avait sauvé la vie. En tout cas ma santé mentale. Car
j’ai cru réellement devenir folle et ne pas réussir à me sortir
de cet état second. Un état de détresse psychologique comme jamais
j’ai ressenti. Un état que je ne souhaite à personne. Car on a la
sensation d’être une autre personne. Qu’on ne fonctionnera
jamais plus comme avant.
Pour
information, j’ai eu des douleurs en urinant et au bas du ventre
qui ont duré plus de 3h après l’examen. Comme une énorme
infection urinaire qui me faisait pleurer tellement la douleur était
intense.
Les jours /
semaines suivants :
Ne
plus réussir à se regarder dans le miroir. Avoir des réactions
bizarres (se prendre dans nos propres bras, se recroqueviller et se
balancer dans une volonté de réconfort). Avoir des crises de larmes
sorties de nulle part incontrôlables. Du vaginisme. Des réactions
de défense (mon compagnon par moments ne pouvait pas s’approcher
de moi). Se retrouver dans une pièce et ne plus savoir pourquoi on
est là. Marcher sans but, ne pas savoir où on va. Des absences. Des
regards bloqués dans le vide. Fatigue chronique. Irritabilité. Des
douleurs dans le dos, les épaules. La mâchoire, les poings très
souvent serrés sans qu’on s’en rende compte. Anxiété
chronique. Une colère profonde en soi. Quelques débuts de crises
d’angoisses. Et le pire je trouve, c’était cette sensation
affreuse d’être dépossédée de mon propre corps. D’être en
retrait. Comme si mon corps ne m’appartenait plus. C’est aussi
pour cette raison que j’avais la sensation de ne plus tellement
être vivante. C’est comme si on m’avait volé une partie de moi.
Volé aussi ma confiance envers le corps médical (ça m’a pris
beaucoup de temps avant de refaire confiance aux médecins).
Les mois
suivants :
- 2
thérapies (une par hypnose, une avec EFT) + chiropraxie + méditation
+ kinésiologue + digipuncture + sexologue spécialisée dans les
Dyspareunies qui est aussi Gynécologue. Et récemment une
psychologue consultée. Je dois d’ailleurs reprendre RDV.
- Un
sentiment de culpabilité qui me ronge car je n’ai pas réussi à
porter plainte ni à le dénoncer à l’ordre des médecins. Je me
sens terriblement coupable pour les autres femmes / jeunes filles.
J’ai tellement peur qu’il détruise des vies, qu’il fasse
d’autres victimes. Et à la fois je suis terrorisée. Terrorisée
de le dénoncer pour me retrouver confrontée à lui. Qu’il sache
qui l’a dénoncé. J’angoisse de me retrouver de nouveau prise en
charge par lui dans le cadre d’une urgence. Et qu’il se venge. Ça
me donne des cauchemars rien que d’y penser. A la fois je sens que
c’est un devoir de le faire et à la fois ma terreur est justifiée
car c’est le seul médecin habilité de tout mon département. Car
c’est le chef de service du service gynécologique de la ville la
plus proche et que notre département est tout petit. Car c’est
quelqu’un qui a beaucoup d’influence dans le coin. Tout ce que
j’ai fait pour le moment c’est dénoncer à tous mes amis,
famille, connaissances. À absolument tous les médecins et
praticiens qui me suivent. Je ne me sens pas capable à l’heure
actuelle de faire plus. Merci de ne pas citer de noms en commentaires
ou de demander en public. Ni mon secteur, ni mon département. Car
sinon je pourrais être poursuivie juridiquement pour diffamation. Je
ne répondrai donc pas en commentaires ni sur les réseaux.
-
Aujourd’hui avec les thérapies j’arrive à mieux vivre avec ce
traumatisme. Même s’il ressurgit parfois sans prévenir. J’ai eu
l’immense chance d’avoir été correctement et rapidement prise
en charge psychologiquement.
Avant
de finir, merci de ne pas me laisser de commentaires de type « mais
pourquoi tu ne lui a pas dit stop ou non ou arrêtez, si tu n’as
rien dit il ne pouvait pas deviner ». Il est important de
noter que lorsque le l’on vit un événement que notre corps ou
notre cerveau estime « traumatique », il se met tout seul
en mode survie pour nous « protéger ». Ne rien dire, se
taire, rester de marbre, fait partie d’un mécanisme instinctif de
survie pour nous éviter potentiellement que la situation s’aggrave.
Bien évidement qu’après l’événement on s’en veut de ne pas
avoir réagit. Mais c’est comme ça. On ne peut rien y faire. On ne
choisit pas forcément ses réactions. D’autres personnes par
exemple vont carrément devenir amnésiques et tout oublier. Notre
cerveau est intelligent, il cherche à tout prix à nous protéger du
pire. S’il estime qu’on ne sera pas capable de vivre avec, il va
préférer nous faire « oublier » volontairement. Tout
cela je l’ai appris en thérapie. Suite à ça j’ai mieux compris
pourquoi je ne m’étais pas défendue. Moi qui suis tellement
combative d’habitude, je ne comprenais pas mon manque de réaction.
Maintenant je sais. Tout ça pour dire que en aucun cas vous avez le
droit de juger les victimes de violences telles quelles soient
concernant leurs « non réaction ». Ce n’est pas un
manque de force, ni un manque de courage. C’est seulement un
mécanisme de survie difficile à contrôler.
Remerciements :
- Un
immense merci à toute l’équipe de mon centre de rééducation
fonctionnelle. Pour leur soutien à tous. Leur aide et leur
bienveillance. Ils ont été de véritables amours et jamais dans le
jugement.
- Un
merci aussi grand que l’infini à mon chéri pour son amour et sa
patience sans égale. Son soutien à toute épreuve, son combat à
mes côtés. Merci pour ta présence et ton respect de mes limites.
Merci pour ton écoute et pour tes gestes d’attention. Merci de ne
pas m’avoir jugé quand j’étais plus bas que terre. Merci pour
avoir réussi comme personne à me garder l’esprit occupé.
-
Merci à ma famille et mes amis pour les mêmes raisons. Merci pour
leur soutien.
-
Merci aussi à toutes les personnes qui m’ont soutenues sur
Instagram sans jugement également. Certaines personnes sont même
devenues des amies depuis.
-
Merci infiniment à l’association FemmesEndo&Co qui m’a été
d’un grand secours pour traverser cette épreuve en 2020. Merci
notamment aux intervenants : Tristan pour la thérapie par
hypnose que j’ai pu faire avec lui. Merci à Peggy du compte
@end0uceur et son cercle de femmes en ligne où j’ai pu déposer
mon témoignage. Merci à toutes les participantes pour leur écoute
et bienveillance. Merci pour ton soutien en privé Peggy, il m’a
été très précieux.
Conclusion :
Merci
à tous d’avoir pris la peine et le temps de m’avoir lu. Merci de
nous aider à libérer la parole. Ensemble nous sommes plus forts
face à toutes ces horreurs (quelles soient plus au moins graves, ce
n’est pas le niveau de gravité qui compte, mais les actes
eux-mêmes). Il faut que tout cela cesse. Nous sommes des êtres
humains dotés de sentiments, d’une sensibilité. D’un corps qui
ressent. Nous ne sommes pas des objets.
Chers
médecins, chers praticiens. Vous avez le pouvoir de sauver des vies
et nous vous en remercions. Mais n’oubliez pas non plus que vous
avez le pouvoir sans pour autant le vouloir, de détruire des vies.
Pourquoi
j’ai rédigé ce témoignage ? Comme je le disais pour libérer
la parole. Pour donner l’élan à d’autres personnes de le faire
à leur tour. Car en parler peut avoir un but thérapeutique. Ça me
semble également important d’en parler pour faire de la prévention
et de la sensibilisation. Sachez qu’un médecin n’a pas tous les
droits. Vous avez le droit de dire NON ou STOP. A tout moment vous
pouvez faire stopper un examen. Tout simplement parce que votre corps
vous appartient. Un médecin n’a pas le droit de vous forcer à
faire un examen. Vous avez le droit de partir d’une consultation si
vous vous sentez en danger et vous n’avez aucun compte à rendre.